En Afrique notamment dans nos milieux ruraux les femmes et les enfants sont toujours laissés pour compte et voient leurs droits bafoués dans la vie de tous les jours sans avoir les moyens de se défendre. Ces droits bafoués se situent à plusieurs niveaux, l’un des plus récurrents est le non accès des femmes aux terres. Alors que leur potentiel est encore freiné par les disparités entre les hommes et les femmes, l’association Women in Law and Development in Africa (WILDAF – AO) estiment que les femmes rurales sont un puissant levier du développement agricole.
En Afrique sub-saharienne, les femmes constituent plus de 60% de la main d’œuvre agricole. Elles sont à l’origine de 60 à 80% de la production alimentaire du continent. Elles travaillent 12 heures de plus que les hommes agriculteurs.
Dans les lignes à suivre je vous fais découvrir des femmes avec des histoires particulières. Vous verrez toute la difficulté que rencontrent ces femmes, notamment dans l’accès à des terres.
Enyonam, 42 ans, veuve et mère de trois enfants vivait heureuse avec son mari et ne manquait de rien grâce à leurs cultures. Son mari succombe en octobre 2015 suite à un accident. Depuis, « la vie est devenue très difficile pour elle et ses enfants ». Sa belle-famille a accaparé les biens de son défunt époux laissant à sa charge les enfants. Elle a quand même pu garder la maison grâce à l’intervention d’un des notables du village. Mais n’ayant aucune activité génératrice de revenus, elle peine à joindre les deux bouts. Dans leur culture, il est interdit aux femmes de disposer de terres cultivables. Enyonam était donc obligée de travailler dans les champs d’autrui pour avoir de quoi nourrir ses enfants et payer leur scolarité. Elle a vécu cette situation jusqu’en Janvier 2017, où elle expose son problème à des parajuristes en visite dans leur village.
Certes Enyonam est analphabète mais elle était légalement mariée à son défunt époux. Grâce à son certificat de mariage, les parajuristes lui sont venus en aide. Elle a fait prévaloir ses droits et a récupéré les biens de son mari. Une joie pour elle et ses enfants.
Célibataire, âgée de 30 ans Eméfa comme toutes les femmes des milieux ruraux ignorait tout de ses droits fonciers. De ce fait elle ne possédait pas de terre. Unique héritière de son défunt père, elle n’a pourtant pas eu accès à ses terres qui furent partagées entre ses oncles paternels. En Mai 2015, une ONG avait envoyé des agents et des techniciens dans le but de les former. De cette formation, elle est devenue parajuriste et à sa grande surprise elle a appris qu’elle a le droit d’entrer en possession des terres de son père. Eméfa a fait avec l’aide des formateurs un plaidoyer qu’elle a adressé au chef du village pour que toutes les femmes puissent en bénéficier. Après plusieurs tentatives elles ont eu gain de cause. Ainsi elle a pu récupérer ses terres. Aujourd’hui elle dispose de plusieurs hectares où elle a semé du haricot et du mil.
Biova la dernière des épouses de quatre femmes, vit un calvaire journalier car elle marche sur des kilomètres pour rejoindre le marché du village afin de vendre ses produits. Elle part très tôt: il lui faut marcher trois heures pour arriver à destination. Conséquence, elle vend souvent ses produits à bas prix pour ne pas revenir le soir bredouille, sans gain au marché. Ses enfants subissent avec elle la douloureuse situation, n’ayant pas les moyens suffisants pour les scolariser et ne pouvant compter sur l’aide de son mari. Tout cela est dû au fait que sa communauté est enclavée, les rares véhicules qui arrivent à forcer le passage pour y venir leur prennent (n’étant pas la seule dans le cas) le trois quart de leurs bénéfices pour le transport. Une route desservirait le village qu’elle pourrait rejoindre le marché de la ville à une heure de route à voiture et elle y vendrait ses produits à triple prix tout en évitant ce supplice à ses enfants.
Fatim 58 ans est la conseillère d’une coopérative agricole de 60 femmes. Sa coopérative est une unité de culture, de transformation, de distribution des fruits, des légumes et des céréales. Elles font la transformation en jus, en confiture, en conserve et en farine. Elles ont plein de clients dont certains sont en ville. Par manque de terrain et de matériel, elles sont dans l’incapacité de produire autant de transformation que leur demandent les clients. De plus, elles perdent beaucoup de temps car les moyens de transformation utilisés sont empiriques. Ce qui limite la quantité de leur production. De surcroît, elles sont menacées par certains notables qui veulent leur arraché injustement leur terre. Pourtant cette activité est la seule qui leur permet de pallier à tous les problèmes liées à leurs vies de précarité.
Nous avons des millions de femmes rurales dans des pays différents de notre continent qui traversent de pareilles situations voire pire pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cette situation est due à une stigmatisation du genre féminin qui dure d’ailleurs depuis trop longtemps et à un manque d’informations d’abord des chefs traditionnels et des femmes elles-mêmes. Notons le bien être « analphabète ne veut en aucun cas dire ne pas avoir de droits ». Il est de notre devoir à nous jeunes d’éveiller et de réveiller nos mères, nos sœurs, pour qu’elles connaissent leurs droits et soient en mesure de les revendiquer. On ne peut pas jouir pleinement des fruits d’une lutte dont on n’a pas mené la bataille. Mais le soutien des autorités traditionnelles et des hommes est aussi important.
De nombreuses femmes subissent des menaces et des injustices dans l’accès à des terres, alors qu’elles doivent vivre des activités agricoles. C’est révoltant. Ces femmes sont fatiguées et dépassées par les événements, elles veulent faire entendre leurs voix, leurs supplications pour que ces injustices cessent. Ces dernières freinent d’ailleurs le développement de nos pays et de notre continent. Les femmes veulent s’affirmer et s’assurer dignement un meilleur avenir. Elles ont dans ce cadre besoin de jouir des mêmes droits et des fruits de leur travail.
Pour une Afrique d’aujourd’hui plus forte, plus indépendante, pour une Afrique de demain florissante dans l’agriculture et dans tous les domaines, respectons les droits des femmes. Femme, bats-toi pour ta terre !